jeudi 2 juin 2022

TATAOUINE


 Création le 2 juin 2022

Le numéro hors série de Géo Découverte sur la Tunisie comporte un article de François Pouillon, spécialiste du monde arabe, et anthropologue.

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En façonnant dans la terre maisons, greniers et canaux, les habitants du djebel ont tiré le meilleur parti d’un milieu particulièrement hostile : les sources sont rares, les nappes sous-jacentes sont pauvres. Mais une sorte de miracle géologique s’est offert aux hommes : un soulèvement de quelques centaines de mètres du socle saharien a constitué un « djebel » (une montagne). Au sud et à l’ouest, le « Dhahar » (le dos), revers descendant en pente douce vers le vrai désert saharien, où les ruissellements d’orages aléatoires vont se perdre. Mais dans les cuvettes d’épandage, où les eaux restent un temps, on peut faire quelques semis de céréales de printemps, à titre précaire.

Les centres urbains, comme Tataouine, n’étaient jusqu’à l’indépendance que de petites bourgades. L’eau, qui les alimente maintenant, provient de sources situées à 200 kilomètres plus au nord. Au temps de Rome, l’aménagement agricole a nécessité la création de citernes et de petits barrages de terre meubles, les « jessour » permettant  l’existence d’arbres parfois séculaires : oliviers, amandiers ou figuiers.

Les Berbères ont créé sur le djebel des villages fortifiés, les « ksours » pour se protéger contre les razzias. Ce sont parfois des habitations troglodytiques, très isothermes. Mais ce sont aussi des greniers collectifs pour garder les réserves de grains, et les outils aratoires pendant les périodes de transhumance avec le troupeau, vers les zones vivifiées par la pluie, ou en émigration vers le nord du pays. 

 

Lavage de la laine de mouton

Les émigrés étaient spécialisés dans des petits métiers, comme pâtissiers, marchands de beignets, ou simples portefaix …

Avec le Protectorat français, Tataouine s’est imposée, au début du XXème siècle, comme le centre de regroupement  d’une région avant tout rurale. Cette ville de la plaine a ainsi, peu à peu, accueilli les nomades arabes sédentarisés et les berbères « grimpeurs », à l’ombre des ruelles qui jouxtent le souk.

Ruines de Tataouine

Sur le rebord du Dhahar, se découvre peu à peu Douiret (« petites maisons »), un village creusé au sommet d’un éperon rocheux. Une légende affirme que ce village berbère a été fondé, il y a cinq siècles, par un marabout marocain, qui a bâti une citadelle en son sommet … À l’heure de l’indépendance, désireux de créer un État moderne, le président Bourguiba y est venu pour « inviter » les populations de ces grottes séculaires à descendre habiter dans une ville nouvelle tout juste sortie de terre et baptisée, elle aussi, Douiret, avec tout le confort moderne : poste, eau, services publics, télévision …

Perchée plus au nord, Guermessa a été une grande cité berbère. Elle est aujourd’hui totalement désertée. Chénini est le village qui a le mieux résisté à l’hémorragie de ses forces vives. Il y a même encore une école primaire accueillant plus d’une centaine d’élèves.