samedi 24 juillet 2021

AUTRES LIEUX DE TUNISIE



                                                               Café à Madhia

 

Création le 26 juillet 2021

Cet article fait suite à celui sur la Kroumirie, provenant du numéro hors-série de l’excellente revue GEO DÉCOUVERTE.

*************************

UN PHARE DU MONDE ISLAMIQUE

L’auteur est Faouzi Mahfoudh, professeur d’histoire et d’archéologie à la Faculté de la Manouba à Tunis. Il est membre fondateur du laboratoire « Histoire du monde arabo-musulman ». Professeur invité dans plusieurs universités arabes et européennes, il a été nommé Directeur général de l'Institut national du patrimoine à partir de mars 2017.

                              Mosquée de Kairouan

 

 À l’issue de la conquête arabe du VII ème siècle, la Tunisie orientale acquiert une importance jamais égalée dans le passé. Désormais, l’ancienne Africa latinisée, puis christianisée, devient l’Ifriqiya, une terre arabo-musulmane. Cette métamorphose s’est opérée autour de deux pôle :
- Kairouan dans la basse steppe jusque là quasi-déserte ;
- Le littoral (sahel), qui tire profit de ses richesses oléicole, hydrique et halieutique.

Kairouan est la plus ancienne cité arabo-musulmane d’Afrique du nord et l’une des quatre villes sacrées du monde islamique. Base arrière de la conquête de l’Algérie, du Maroc et de l’Andalousie, elle est au centre d’une plaine alluviale irriguée par les deux plus grands oueds de la Tunisie centrale : le Zroud et le Merguellil. Grâce aux conquêtes arabes et au développement du commerce, Kairouan amasse une fortune qui favorise les grands travaux et devient un centre commercial international. Cet âge d’or s’achève brutalement en 1057, avec l’invasion de tribus venues d’Égypte et d’Arabie, les Hilaliens, des pillards armés. Kairouan n’a pas résisté plus de 5 ans …

 


Pour se défendre, les villes côtières se hérissent de forts : les ribats, qui ont surtout une mission de guet et d’observation : par la signalisation du feu il est possible de correspondre du Maroc à l’Égypte. Les moines-soldats (mourabitins) vivent des donations pieuses. Les trois principales cités sont Sousse, Sfax et Mahdia.

Baptisée Justiniapolis par les Byzantins, Sousse est une ville antique fondée à l’époque punique. Dès l’invasion islamique, elle a servi de port commercial et de base militaire à Kairouan. Cette fonction militaire a profondément marqué la ville : édifices massifs, couverts de voutes, dotés de tours, de merlons, de meurtrières et d’embrasures. Au Moyen Âge, elle a été vantée pour la qualité de ses tissages et le doigté de ses couturiers. Sfax a eu une vocation commerciale, grâce à ses oliviers. Elle produit actuellement le tiers de l’huile tunisienne. Mahdia a été la capitale du premier califat chiite du monde musulman.

******************

SA MAJESTÉ L'OLIVIER

Jacques Maigne est un journaliste qui s’est intéressé pêle-mêle à l'Amérique latine, la tauromachie, le rugby, la gastronomie, le flamenco, ou encore à la chanson populaire.


Il a fait un article sur la petite ville de Hergla : ce petit port, fondé par les Romains et protégé par un saint venu du Maroc, Hergla somnole en douceur ; la pêche est en déclin, les oliveraies proches - l’or vert du Sahel -  ont vieilli ou se sont morcelées au gré des héritages ; et le tressage en alfa des scourtins, ces paniers qu’on remplit d’olives avant de les empiler dans les pressoirs traditionnels, n’est plus si florissant. Reste le tourisme, prévu en pleine expansion.


 El Djem, la Thysdrus romaine, a le troisième amphithéâtre de l’Empire romain, créé pour trente mille spectateurs ; elle a dû sa prospérité à l’huile d’olive, distribuée gratuitement au peuple romain, en tant que matière grasse alimentaire, combustible d’éclairage et support de tous les parfums ; à partir du IIème siècle, Thysdrus devient la cité la plus florissante d’Afrique, après Carthage.


          Mozaïque du Musée archéologique

 Mais les impôts écrasent la population qui se révolte contre le procurateur romain, le tuent et élève le proconsul Gordien au titre d’Empereur. Mais Maximin, le "vrai" Empereur, envoie ses troupes de Rome : la ville est dévastée. Il reste son monument mégalomane, et l’exceptionnelle collection de mosaïques de son musée archéologique.

Gemma, village de la banlieue nord de Sfax, embaume. C’est ici que se tient en hiver le plus important marché d’olives du pays, celui qui détermine les cours de référence … 


Sfax est une vraie cité maritime et besogneuse, un port moderne ainsi qu’une médina très populaire.

Kerkennah est un archipel de pêcheurs, qui sont les derniers à utiliser des felouques à voile latine. Les poissons, peints sur les maisons les protègent du mauvais œil. Ici, même les femmes pêchent. Le poulpe a été l’or de l’île, la mascotte des marins, mais les prises ne cessent de décroître.

 *****************************

MENACES SUR LES PALMERAIES

Claude Lliena, enseignant et chercheur à l’Université de Montpellier III, a fait une étude célèbre sur Tozeur.

En détournant l'eau d'arrosage au profit des complexes hôteliers, le tourisme met en danger le fragile écosystème des palmeraies !

À partir du Moyen Âge, les villes du Djérid connaissent un essor économique important, grâce à leur localisation sur la route des caravanes reliant l'Afrique subsaharienne et la Méditerranée. Puis l'économie de la région décline par la perte du commerce subsaharien.

Mais l'oasis de Tozeur est privilégiée : son histoire remonte au IIIème millénaire avnt Jésus Christ. Tozeur a été sucessivement numide, chrétienne, puis arabo musulmane. Aujourd'hui, irriguée par 200 sources réunies dans un cours d'ean central, c'est l'une des oasis les plus célèbres du monde.  

 

Tout va changer avec le début des années 1990 : aéroport international, une douzaine d'hôtels, sécurité assurée ... Mais l'eau devient rare et chère. Historiquement, pour les oasiens, le palmier a été créé par Dieu, avec un morceau de l'argile qui a servi à pétrir Adam. De plus, l'ombre de cet arbre est vitale pour les productions horticoles et fruitières. Aujourd'hui, on puise une eau fossile, chaude et salée, par 2 000 mètres de fond. Tozeur s'est même équipé d'un "Tozeur Oasis Golf" de 150 hectares de gazon, dont les conséquences en consommation d'eau vont à l'encontre de la sagesse qui a présidé à la pérennité du Djérid ...

La suite dans un prochain article.