dimanche 5 novembre 2017

HANNIBAL LE CARTHAGINOIS




Création le 5 novembre 2017

Jean Mazel a passé sa vie - entre autres - à la recherche des vestiges des Phéniciens, qu’ils soient dans la littérature ou dans la nature, terre ou mer. Le 23 octobre 2007, il a fait une conférence sur le thème : « Hannibal le Carthaginois, en transformant ses victoires en défaite, a-t-il trahi les Phéniciens ? ».

À la mairie du XVIème arrondissement de Paris, les bénéfices de ses conférences et de celles de ses amis sont allés à de nombreuses œuvres de charité. À l’occasion du dixième anniversaire de cette conférence, nous avons voulu lui rendre hommage en faisant la recension du fruit de ses recherches.

Mais aussi, mieux connaître Hannibal, c’est recueillir le fruit de recherche et travaux publiés sur internet. Par exemple ceux de l’association Hannibal Barca fondée en 2016. Son site est remarquable.



https://www.hannibal-le-carthaginois.com/

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PROLOGUE

« Si je vous ai promis de rencontrer … Hannibal … , c’est peut-être parce que j’ai consacré plusieurs années de ma vie à l’étude des Phéniciens, mais c’est aussi et d’abord en raison d’une version latine - épreuve majeure à l’époque - de mon baccalauréat. Un texte de Tite Live décrivait l’extraordinaire bataille de Cannes en Apulie, où Hannibal, général carthaginois à peine âgé de trente ans, venait d’écraser une armée romaine deux fois plus nombreuse, et laissant sur le terrain 40 000 morts et 20 000 blessés.

Merci Hannibal pour mon bac réussi !


Mais le plus extraordinaire dans cette victoire de Cannes, c’est qu’il l’a remportée après avoir parcouru près de 3000 km à la tête d’une armée où l’on trouvait côte à côte Ibères, Humides, Gaulois, Ligures, et vétérans carthaginois.

Il avait fait traverser les Pyrénées et les Alpes à ses éléphants de combat, puis il avait vaincu les armées romaines qui tentaient de l’arrêter à la Trémie et à Trasimène. Or Hannibal, qui aurait pu facilement s’emparer de Rome, va se contenter de caracoler avec ses cavaliers numides le long des remparts de la ville, sans y entrer, histoire de narguer les Sénateurs.

D’abord quelques notions sur la tactique des Phéniciens :

- Installer la marchandise sur une île proche d’une côte ou sur une zone côtière de dimension limitée ;
- Attendre les réactions de la population locale, étudier les échanges proposés, provoquer un climat cordial ;
- Si la situation s’avère favorable, le simple entreposage provisoire peut devenir comptoir ;
- Il ne sera jamais question d’occuper le terrain par la force, l’objectif n’étant pas de s’emparer du pays, mais de s’en servir en respectant la population ;



- C’est ainsi qu’ils sont devenus de grands échangeurs de culture à une époque de profondes mutations : on passait de l’âge du bronze à l’âge du fer. (L’étain étant difficile à se procurer à cette époque, de nombreux objets étaient fabriqués en alliage cuivre-plomb. Ce bronze étant de moins bonne facture que l'alliage cuivre-étain puisqu'il est plus cassant).


 En prenant le grand risque de pénétrer dans l’océan « de tous les dangers » avec leurs embarcations à faible tirant d’eau, ils ont réussi à atteindre la Mer de l’étain, située entre la Bretagne et l’actuelle Cornouailles anglaise, véritable bloc d’étain. Il est intéressant de noter au passage que la Mer de l’Étain se dit en phénicien : Bahr Tanik, ce qui a donné le nom « Bretagne », et encore mieux « Britannique ».  Ce monopole de l’étain, minerai stratégique de l’époque, allait provoquer la jalousie des voisins, particulièrement d’Alexandre le Grand : sept mille tyriens massacrés, treize mille prisonniers …

LES CARTHAGINOIS



 Ils n’étaient à l’origine qu’une poignée d’Orientaux arrivés sur les bateaux de Didon. 
 

Il y avait sur les bateaux de quoi émerveiller les populations locales, Berbères agriculteurs des plaines et des collines, ainsi que les nilotiques des confins du désert, les Numides : du matériel jamais vu, des tunique de pourpre, des vases de bronze et des divinités dont on leur offraient les bienfaits.


Tanit, version africaine d’Astarté devint la patronne tutélaire de Carthage.


Sanctuaire de Tanit à Carthage
 Très vite, Carthage dépasse Tyr, la mère patrie, par son étendu et la hauteur de ses maisons, par son artisanat d’art, par ses chantiers maritimes, par sa population aussi, de l’ordre de 300 000 à son apogée. Le métissage est devenu une règle de vie. Cinq siècles plus tard, combien reste-t-il de sang phénicien pur dans les veines des Carthaginois ?

Combien fut-il possible que l’éthique phénicienne, dont Carthage était porteuse et héritière, le négoce dans la paix et l’expansion pacifique, ait pu engendrer des comportements totalement à l’inverse : « LE TOUT GUERRE D’HANNIBAL » ? Hannibal a-t-il trahi la Phénicie ?

Au ème siècle avant J.-C., Carthage était la plus importante cité de la Méditerranée et la plus prospère, devant Athènes et Rome, contrôlant le commerce maritime et les routes de l’or à travers le Sahara. Mais peu à peu, ses implantations en Sicile, en Sardaigne et en Andalousie prirent la forme de possessions  territoriales considérées par Rome comme des provocations. Carthage se mit alors à lever des armées recrutées d’abord en Afrique, Berbères et Numides. Cette forme de protection deviendra peu à peu une armée d’agression.

En 238, la révolte des mercenaires fut écrasée par Hamilcar Barca :

http://tunisiekersco.blogspot.fr/search/label/a%2016%20-%20SALAMMBO

Barka = baraka. Il se disait descendant de Didon, et le perdant de la première guerre punique avec la perte de la Sicile.Le premier né de ses trois fils fut Hannibal, né en 247. Tite Live écrit qu’il fut éduqué dans l’art de la guerre où les qualités premières sont le courage et la ruse. À 21 ans, il est désigné par l’armée commandant suprême  des forces carthaginoises de la péninsule ibérique. Se trouvant à la tête de plus de 30 000 hommes et de 200 éléphants - une division blindée - il n’a pas oublié le serment de haine contre Rome que son père lui a fait faire devant le Sénat. (Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'en stratégie, on ne fait pas de sentiment, mais des analyses).



Il commence par la prise de Sagonte, ville romaine enclavée en Andalousie et incorpore des Celto-Ibères dans son armée. Avec cette armée de peuples qui ont en commun le refus d'être romanisé, il va enchaîner les grandes victoires d'Italie. Il réalise qu'il y a un autre moyen de vaincre Rome : en créant le vide autour d'elle, il la prive d'approvisionnements et d'effectifs pour ses légions.

Les tentatives tendant à isoler Rome politiquement pourraient bien constituer la principale justification des années d'attente et de la non occupation de Rome après la victoire de Cannes. Alors que les principales batailles ont lieu en été, il attend la suite des événements en sombrant, lui et les siens, dans les "délices de Capoue", le repos du guerrier, période pendant laquelle il fait un traité d'alliance avec le roi Philippe V de Macédoine.

Mais pendant qu'il guerroyait en Italie, le général romain Scipion semait le trouble dans les colonies carthaginoises d'Andalousie et débarquait en Afrique ... Menacé presque à ses portes, le Conseil des Anciens exige d'Hannibal son retour en Afrique, où il débarque en -203. L'année suivante aura lieu la rencontre décisive, la bataille de Zama.


Il y eut deux surprises : la trahison de son ami Massinissa, rallié à Scipion avec ses cavaliers, et la tactique de Scipion qui aménagea des espaces entre ses centuries, dans lesquels se trouvaient des fosses individuelles où des hommes armés de piques attaquaient les éléphants pendant les charges, en les rendant fous. Alors qu'ils se retournaient contre les Carthaginois, leurs cornacs étaient obligés de les sacrifier.

Ce fut alors un combat de cavalerie aux ailes : Hannibal et Massinissa se défiant mutuellement.

Le prix de la défaite fut lourd, mais Scipion ne voulut pas qu'elle fut humiliante. Carthage continua à exister, mais avec une armée et une flotte réduites, et l'interdiction de faire la guerre sans l'accord de Rome. L'indemnité de guerre, payable en 50 ans, était énorme, et Carthage perdait ses territoires militarisés d'Espagne.

Mais Carthage connut une ère de prospérité et la dette fut remboursée par anticipation. En -196, Hannibal sera élu Suffète, titre équivalent à celui de Consul à Rome. Mais déçu par l'immoralité des tenants du pouvoir, il préférera s'exiler. On le signale un peu partout. Rome préférera s'en débarrasser. Il eut le temps d'avaler le poison qu'il avait toujours sur lui, avant d'être livré  au Consul Flaminius par Prusias.

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Pour conclure, on peut imaginer ce que serait devenue l'Europe si Hannibal s'était emparé de Rome, détruisant dans l'œuf la romanisation à peine commencée ...

Au printemps de 1943, Churchill a rendu visite aux troupe alliées  qui venaient de vaincre le général Rommel et son Africa Corp. Ce fut la première grande victoire de la deuxième guerre mondiale. Il y avait là Montgomery, Eisenhower, Patton, qui lui proposèrent d'aller visiter les derniers champs de bataille.

Churchill leur dit : "Non, messieurs, car vos batailles sont peu de chose à côté de la grande bataille de Zama, il y a un peu plus de 2.000 ans où Hannibal fut vaincu par les Romains. Si lui, Hannibal avait été vainqueur, il aurait orientalisé l'Europe. Nous aurions aujourd'hui nos chemises à l'extérieur de nos pantalons, nous aurions des harems, et des divinités laissant plus de place à la féminité ... "

Hannibal ou Juba II ?

Hannibal ou Jugurtha ?