Modification 2 le 13 janvier 2017
Chateaubriand n’était seulement un poète, un ex-aspirant de marine, mais aussi un voyageur illustre, et - ce qu’on ne sait pas toujours - le membre d’une ONG dont la mission était de payer les rançons des esclaves capturés par les Barbaresques. Son nom figure d’ailleurs sur un bordereau de cotisation conservé aux Archives Nationales d’Outre-mer d’Aix en Provence (ANOM, France).
Le voyage durera de juillet 1806 à juin 1807. L'Itinéraire est divisé en sept parties : Voyage de la Grèce (I)Voyage de l'Archipel, de l'Anatolie et de Constantinople (II) Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la Mer Morte (III) Voyage de Jérusalem (IV et V) Voyage d'Egypte (VI) Voyage de Tunis et retour en France (VII).
De retour d'Al Qods, après une escale à Alexandrie, François-René de Chateaubriand séjournera en Tunisie durant deux mois puis embarquera le 9 mars en direction de l'Espagne. Durant ces deux mois, il fera de nombreuses rencontres, plusieurs lectures et prendra de nombreuses notes qui seront consignées dans son ouvrage "Itinéraire de Paris à Jérusalem" .
En effet, Chateaubriand était allé au cours de ce voyage à la rencontre de l'Orient, sans doute préoccupé par la rédaction de son épopée "Les Martyrs". Chateaubriand a débarqué à La Goulette le 18 janvier 1807. Après un voyage mouvementé, il sera reçu à Tunis par le Consul Devoize et les membres les plus influents de la communauté française. L'écrivain rencontrera également les consuls européens et découvrira les abords de Carthage.
Dans une introduction nourrie, Madame M’rad-Chaouchi explique le contexte dans lequel l'escale de Chateaubriand s'est déroulée.
D’emblée, elle annonce la couleur : ce n’est pas un voyage de Tunis, mais une escale mondaine à Tunis, pas vraiment d'ailleurs à Tunis, mais bien à Carthage. À un dignitaire turc rencontré à Mistra, qui lui demande puisqu’il n’était « ni marchand, ni médecin », pourquoi voyageait-il, Chateaubriand répond « pour voir les peuples, et surtout les Grecs (…morts). Les lieux qu’il parcourt ne l’intéressent pas vraiment, pas plus Tunis que les autres villes visitées.
Donc l’arrivée en vue de la Tunisie n’est pas sans risque de naufrage. La tempête fait rage et le voilier louvoie longtemps avant de trouver un ancrage précaire, à proximité des îles Kerkennah. Îles historiques par excellence qu’ont visité avant leur fuite aussi bien qu’Hannibal que Bourguiba.
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Sur les ruines de Carthage |
Hannibal s'est illustré à la bataille de Cannes en inaugurant une tactique qui est étudiée dans les écoles militaires. Les Romains avaient fondé leur puissance militaire sur leur ordre de bataille : la triple ligne. En première ligne, les jeunes désireux d'en découdre, derrière eux les aguerris pour les soutenir, enfin les vétérans pour empêcher toute retraite. Tout tenait dans la rigidité de cet ordre de bataille face à multitude des "Barbares".
Hannibal feint alors une retraite de son centre. Les Romains voient déjà la victoire leur sourire et s'élancent pour combler le vide central, ce qui désorganise le fameux ordre de bataille et permet aux Carthaginois de contre-attaquer sur les flancs de l'avancée romaine, puis d'encercler le tout. "La victoire changea de camp, le combat changea d'âme".
Mais c’est aussi l’alpha et l’oméga de Carthage qui fascinent Chateaubriand. De Didon à l’origine de cette cité, à la femme d’Hasdrubal jetant l’anathème sur son époux qui a fait une humiliante reddition, et se jetant dans les flammes avec ses enfants … « L’histoire de Carthage par son tragique permet une méditation de choc et fonctionne comme un condensé de l’histoire du monde ».Hannibal feint alors une retraite de son centre. Les Romains voient déjà la victoire leur sourire et s'élancent pour combler le vide central, ce qui désorganise le fameux ordre de bataille et permet aux Carthaginois de contre-attaquer sur les flancs de l'avancée romaine, puis d'encercler le tout. "La victoire changea de camp, le combat changea d'âme".
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Et maintenant, place au récit détaillé de Chateaubriand. Son voyage en mer est plus qu’épique, au point de prendre la précaution de rédiger la bouteille à la mer suivante : « F.-A. de Châteaubriand, naufragé sur l’île de Lampédouse le 28 décembre 1806, en revenant de la Terre Sainte». Puis le navire jette l’ancre devant les îles Kerkeni. Chateaubriand aurait bien voulu débarquer au plus tôt à Sfax (dont le nom provient de la culture des concombres), mais le capitaine n’osa chercher ce port dont l’entrée était dangereuse. Donc, cap sur la Goulette. Le consul de France Devoise fait le nécessaire pour que la quarantaine ne dure que six jours.
Chateaubriand s’était muni d’une bonne bibliothèque sur les pays qu’il devait visiter, et se plaignait du manque d’ouvrage sérieux sur Carthage. Mais, une fois qu’il y est, il n’y va pas de main morte. La population des faubourgs : les maisons en sont basses, les rues étroites, les boutiques pauvres, les mosquées chétives. Le peuple a quelque chose de hagard et de sauvage.
Oui, mais … Les Tunisiens sont cependant moins cruels et plus civilisés que les peuples d’Alger. Ils ont recueilli les Maures d’Andalousie, qui habitent le village de Tuburbo, à six lieues de Tunis, sur la Me-jerdah. Le bey actuel est un homme habile ; il cherche à se tirer de la dépendance d’Alger, à laquelle Tunis est soumise depuis la conquête qu’en firent les Algériens en 1757 (!!).
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Faubourgs de Tunis |
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Regulus retourne à Carthage |
DEUXIÈME ACTE
Les Romains envahissent la Sicile sans raisons. Mais les Carthaginois ont un chef, Annibal, programmé dès l’enfance au courage et à la ruse, dominé par la haine, pas magnanime pour un sou, contrairement à son adversaire Scipion. Après l’épopée circum-méditerranéenne d’Annibal, c’est la revanche des Romains.
Dans ce film, à part quelques publicités intempestives, vous verrez Scipion, Hannibal, Jugurtha, Syphax et Sophonisbe ainsi que les éléphants de la bataille de Zama.
Et si vous vous intéressez à Massinissa :http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2097%20-%20MASSINISSA%20LE%20GRAND%20AFRICAIN
Ou à Carthage punique et romaine :http://tunisiekersco.blogspot.fr/search/label/6%20-%20CARTHAGE%20PUNIQUE%20ET%20ROMAINE
« Alea jacta est » (le sort en est jeté). « Au départ de la flotte de Scipion pour l’Afrique, le rivage de la Sicile était bordé d’un peuple immense et d’une foule de soldats. Quatre cents vaisseaux de charge et cinquante trirèmes couvraient la rade de Lilybée … Au lever de l’aurore, Scipion parut sur la poupe de la galère de Lélius :
- Dieux et déesses de la terre, et vous, divinités de la mer, accordez une heureuse issue à mon entreprise ! Que mes desseins tournent à ma gloire et à celle du peuple romain … et que Carthage éprouve les malheurs dont elle avait menacé ma patrie. »
« Au débarquement en Afrique, l’épouvante saisit Carthage : on crie aux armes, on ferme les portes ; on place des soldats sur les murs, comme si les Romains étaient déjà prêts à donner l’assaut … Massinissa vient rejoindre Scipion avec deux mille chevaux. »
Et c’est la guerre. Syphax, ancien allié de Rome, est fait prisonnier. Son épouse Sophonisbe implore la protection de Massinissa, mais Scipion, craignant sa mauvaise influence sur Massinissa, veut qu’elle lui soit livrée. Suicide de Sophonisbe.
Sur le champ de bataille de Zama, Hannibal tente d’obtenir la paix, mais se heurte au refus de Scipion. La bataille est une défaite pour les Carthaginois qui n’obtiennent la paix qu’à des conditions qui laissent présager leur ruine.
Chateaubriand rapporte le dialogue suivant entre Scipion et Hannibal :
Scipion :
- À votre avis, quel a été le premier capitaine du monde ?
- Alexandre !
- Et le second ?
- Pyrrhus.
- Et le troisième ?
- Moi !
- Que serait-ce donc, s’écria Scipion en riant, si vous m’aviez vaincu ?
- Je me serais placé avant Alexandre !
ACTE TROISIÈME
À Rome, la haine du vieux Caton l’emporta et les Romains, sous le prétexte le plus frivole, commencèrent la troisième guerre punique. (Le prétexte était un plat de figues, prétendument importé d’Afrique, et dont la fraîcheur témoignait de la proximité menaçante de Carthage). Un nouveau Scipion (l’Émilien) se mesure à Asdrubal. Massinissa est maintenant un vieillard.
Scipion s’empare du port, et c’est un combat de rue de sept jours. C’est un grand moment de la polyorcétique (science des fortifications) : les Carthaginois creusent un nouveau canal vers la mer - pour se sauver ou avoir des renforts - après que les Romains aient bouché le port.
Scipion accorde la vie sauve aux assiégés , sauf aux 900 déserteurs romains réfugiés dans le temple d’Esculape. Asdrubal se rend secrètement à Scipion. Lorsque la chose est connue, la femme d’Asdrubal égorge ses enfants, les jette dans les flammes et se jette après eux, imitée par les transfuges romains.
Scipion fait détruire Carthage, mais les dieux sont contre lui : il meurt assassiné par les mains de ses proches ; les enfants de Massinissa s’égorgent sur le tombeau de Sophonisbe ; Jugurtha fait passer une armée romaine sous le joug, mais tombe dans les mains de Marius, et est emprisonné dans une fosse du Tullianum (comme Vercingétorix).
http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2086%20-%20JUGURTHA
Mais, plus tard, César fait un songe : il faut rebâtir Carthage. Auguste accomplit le dessein de César. Carthage devient la métropole de l’Afrique. Puis Genséric, chef des envahisseurs vandales, y établit le siège de son empire, et la base arrière de ses incursions méditerranéennes.
Enfin Chateaubriand nous fait faire la visite des ruines, évoque la première croisade de Saint Louis dont l’objectif était de débarrasser Tunis des brigands qui empêchaient les expéditions en Terre Sainte. Mais la moitié de ses soldats meurt de maladie, et les Maures utilisent des machines à projeter du sable brûlant sur l’armée franque. La veille de sa mort, Saint Louis écrit une instruction à son fils Philippe, lui recommandant la droiture, de préférer la paix à la guerre, de s’entourer de personnes de qualité … Il meurt, alors que la flotte des Croisés de Sicile vient lui porter secours, au son des trompettes.
Et voilà ! Chateaubriand embarque pour l’Espagne puis la France, où il va se retirer en juin 1807 dans sa propriété de la Vallée aux Loups à Châtenay-Malabry, où il consignera ses souvenirs :
- les Martyrs (1809) ;
- L’itinéraire de Paris à Jérusalem (1811) ;
- Les aventures du dernier Abencérate (1826).
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Et de troquer sa tenue de grand voyageur en celle de poète apaisé :
Combien j'ai douce souvenance
Du joli lieu de ma naissance !
Ma soeur, qu'ils étaient beaux les jours
De France !
O mon pays, sois mes amours
Toujours !